🇫🇷 Le pire talk de ma vie

Je raconte dans cette conférence l'histoire d'un talk qui dérape et devient catastrophiquement raté... Puis je tire les leçons de mon infortune pour proposer à ceux qui veulent se lancer dans les conférences des conseils pratiques. Grosse spécifité : tout le talk est écrit en rimes ! 😊

Transcript

Bonjour à tous, amis campeurs, pionniers du camping des speakers ! Je vois à vos mines enjouées que vous avez l'air de bien vous amuser ! On verra qui sera encore en pleine détente après une nuit dans des tentes ! Mais je lis sur vos visages de l'impatience, assortie je l'espère de bienveillance. Heureusement, c'est souvent le cas, autrement je ne serais pas là.

Vous ne me connaissez peut-être pas : je m'appelle Jordane Grenat. Je travaille dans une boîte – depuis deux saisons – spécialiste des moments de collaboration. Pour vos réunions, afterworks et séminaires, nos magnifiques locaux vont vous plaire ! Et notre gros point fort est quelque chose que j'adore : en effet chez Comet Meeting, on fait du mob programming ! Tous ensemble sur un ordinateur commun, une équipe pour réfléchir et le faire bien. Je travaille depuis Tours à distance, n'hésitez pas à tenter votre chance. Vous l'aurez compris, nous recrutons, passez me voir en fin de session !

Êtes vous prêt à entendre mon histoire ? C'est ce que nous allons voir !

J'avais déjà été sur scène, présent, lors de plusieurs conférence. Oh certes, pas souvent, mais assez pour manquer de prudence. En discutant avec des amis, m'est venue un jour cette idée de génie. Le concept audacieux d'un talk ludique, mêlant les jeux et l'informatique. C'est un sujet qui me passionne, suffisamment récent pour intéresser les gens, avec un format qui étonne ! Je décidai donc de tenter ma chance en le proposant à une conférence !

En plus, pas besoin de beaucoup de préparation, car en bonus, c'est un sujet que je maîtrise à la perfection ! J'ai rempli le CFP, le jury a délibéré pour finalement... l'accepter. Hourra ! Plus qu'à le bosser !

Préparer un talk n'a jamais été aussi facile, sur mon ordi les slides défilent ; et pour une plus grande immersion, j'ajoute un live-coding à ma session. C'est un exercice compliqué, je vous l'accorde, mais je pense que c'est dans mes cordes. Je peaufine les détails sereinement, je me sens dans mon élément.

Quelques mois passent et nous voilà au jour J, je me lève plein d'énergie, prêt à faire face. Je relis mes slides une dernière fois, je les connais par coeur – je crois.

Un peu avant l'heure, je me dirige vers la scène, calmant les battements de mon coeur et prêt au baptème, de ce talk dont je suis fier, que le public va aimer, j'espère. A cet instant, j'étais serein, sûr que tout irait bien. Je pensais avoir tout bien préparé, j'étais trop sûr de moi, comme vous le verrez.

A l'heure dite, je monte sur scène, pas de panique je suis zen. Mais je réalise mon erreur quand j'y arrive, je n'ai pas d'adaptateur, il me faut une alternative ! Vais-je devoir présenter sans support ? Heureusement on me vient en renfort ! Une personne du public m'assiste et me remet en piste. Ouf ! Mon ordinateur est branché et mon public n'a pas décroché.

J'ai cependant perdu quelques instants, ce temps est très précieux. Pour un quickie c'est impactant, me voilà donc un peu anxieux...

Je partage mon écran avec des affichages distincts : la présentation sur le grand, les notes sur le mien. J'introduis mon sujet et le courant semble passer, pas de rejet le public a rigolé. J'ai cependant la gorge sèche, ma voix semble un peu rèche. Tant pis, je force dessus, ça passera bien inaperçu... Je continue donc ma présentation, c'est d'ailleurs la fin de l'introduction.

Alors arrive un autre hic, lorsque j'utilise ma télécommande : clic, clic ! Pas de réaction de mon ordinateur, aurais-je oublié de brancher le capteur ? Je le vois pourtant sur le côté, ne me dites pas que ma batterie est épuisée ?! Soupir... Je passe donc les pages sur mon clavier, c'est un peu dommage, mais pas si dur à gérer.

M'étant remis de mes émotions, je continue ma présentation. Mais malgré toutes mes notes, j'hésite sur les transitions, quelle tête de linotte : je n'ai pas fait assez de répétitions ! Mais heureusement mes slides sont bien fournis et je peux m'appuyer dessus, le public semble un peu déçu, parce qu'au final je les lis. Du texte à volonté ; titre, bullet points et peu d'images, entre fournis et trop chargés, mes slides ont vu large. Il en faudrait peu pour que je les perde, pour que ce talk les em... hum !

Alors que ma confiance s'érode, voici venu le moment du code. Encore un tracas à cause de mon écran splitté, je ne vois pas ce que je suis en train de taper ! J'ouvre la configuration pour changer cette option ; je perds encore une précieuse minute avant d'atteindre mon but. La recopie d'écran est activée, je vais ENFIN pouvoir live-coder !

Je tape quelques caractères quand une voix s'écrie de derrière :

– On ne voit pas bien, le texte est trop petit ! (petite voix)

Je cherche en vain, je ne trouve pas, sapristi ! A nouveau c'est le public qui me guide, j'augmente enfin la taille du texte et valide. Je réalise aussi que le dark mode – bien qu'élégant, n'est pas très commode sur grand écran. Tant pis, ce n'est pas si dramatique, puisque dans l'assistance personne ne tique.

Je tape donc mes premières lignes, en essayant de rester digne. Quelques balises HTML pour que l'interface soit belle, puis j'appelle une API, et puis aïe ! Sans doute l'effet démo, voilà mon application qui throw. Dans mon terminal, un message obscur, un code 500 ancestral de très mauvais augure. J'aurais dû faire du Elm et m'épargner cette peine !

Mais dans mon langage non typé, le compilateur ne peut pas m'aider... Encore une fois l'assistance est là pour me sortir de ce mauvais pas. Merci, vous me sauvez la vie ! Je rajoute la virgule et fixe cette erreur ridicule ! Ouf, tout va bien, je continue... quand soudain ! Internet vient de me lâcher, les données ne peuvent plus charger... F5... F5... Ctrl + F5... F5... Ah ! Bonne nouvelle, c'est revenu, mais ce wifi semble discontinu...

La démonstration se poursuit, quand une sonnerie retentit. QUI A LAISSÉ ALLUMÉ SON PORTABLE ? Oh zut... c'est moi le coupable... Je coupe l'appel de ma copine Gisèle et je le passe sur silencieux. Le public n'est pas furieux mais semble hilare, encore un peu et je me barre !

Je me sens... Honteux, à l'idée de ne pas y arriver, d'avoir tout raté, de m'être ridiculisé, Honteux, de vous imposer ma voix enrouée, fêlée, éraillée, Honteux, de décevoir vos attentes, vos espoirs, Honteux, de ne pas faire mieux ce soir Honteux...

Je poursuis, mais la chance me fuis. Moi qui pensais avoir un peu de répit, ça va de mal en pis. Les erreurs s'enchaînent, se déchaînent, me malmènent, je me démène pour m'en sortir, mais ça empire. Je balbutie, hésite, sans répit, me précipite, oublie mon texte, le contexte. Je me stresse, en détresse, en malaise, ça me pèse... Soupir... respire...

Soudain juste ciel, c'est la goutte de trop, une notification de Gisèle s'affiche en gros... La honte totale, je me sens mal : "Bonjour mon poussin, je t'ai acheté ton médicament, celui qui est bien pour ton problème gênant..."

Je crie d'une voix rauque : "JE N'EN PEUX PLUS DE CE TALK !" Et je pars en courant, fuyant ce moment, bien décidé à ne plus recommencer...

Petit intermède où je pars en courant puis je reviens...

N'ayez crainte, cher audience, ces situations, je les ai inventées. Je n'ai jamais eu autant de malchance, même si certaines me sont arrivées. L'exercice mental de s'imaginer le pire, permet au final de s'en prémunir.

Alors qu'aurais-je pu faire pour prévenir toutes ces galères ? Beaucoup de faux-pas dans mon histoire, comment éviter ces déboires ? Avant d'aller plus loin je préfère être préventif, et vous préciser que ces conseils sont subjectifs. Ce ne sont pas des vérités absolues, juste des leçons tirées de mon vécu. Pour certains elles marcheront, d'autres feront à leur façon.

Premièrement, il faut se mettre en bonne condition lors de ses répétitions. Face à un public, un miroir ou une caméra, répéter beaucoup vous aidera. On fait souvent l'erreur de répéter assis, ce qui change pas mal le jour J. Relevez-vous de votre chaise, mettez-vous à votre aise. Bien souvent adopter une bonne position, facilitera votre élocution.

Il paraît que pour la mémoire, c'est mieux de répéter le soir... Vous pouvez vous appuyer sur votre outil de présentation, mais soignez bien vos transitions. Il n'est pas plus facile à mémoriser, qu'une histoire bien déroulée. Faites au maximum des enchainements logiques, pour ne pas perdre votre public. Si vous avez deux écrans, testez dans de vraies conditions, ça vous évitera un moment gênant, à chercher dans les configurations.

Pour le support, chacun son style, ce n'est jamais facile ! Mais il me semble que des slides épurés, permettent de mieux souligner votre pensée. Écrire des pâtés ou présenter des tableaux compliqués pousse l'audience à se déconnecter. Allez au principal, mais restez original. Et si vous affichez du code à un moment, il n'a pas besoin de compiler : mieux vaut sacrifier ce qui n'est pas pertinent ! Préférez des thèmes clairs au thèmes foncés, ils seront plus faciles à projeter. Maîtrisez vos outils pour pouvoir les ajuster à l'envie : taille du texte, couleurs, disposition : connaissez vos options à la perfection !

Préparez une checklist avant le jour J, notez-y de recharger vos batteries. Télécommandes et ordinateurs, prévoyez aussi les adaptateurs. Désactivez les notifications, pour éviter les perturbations. Ca évitera au passage la détresse d'un message sur votre herpès. Arrivez un peu en avance pour tester vos branchements, en cas de malchance ça vous laisse du temps. Vérifier que votre écran est lisible de loin, ajustez les tailles au besoin.

Si vous avez la voix enrouée et qu'il vous faut du temps pour la retrouver, voici une bonne échappatoire : posez une question à l'auditoire. (voix enrouée :) Qui ici a déjà utilisé cette technique ? Vous voyez, c'est très pratique ! Ça marche très bien en début de session, pour se débarrasser de l'appréhension.

Un point sur lequel je veux insister : à aucun moment l'audience ne s'est moquée. N'hésitez pas à vous reposer sur les gens, ils sont toujours très bienveillants ! Les seuls que vous allez haïr – qui méritent l'enfer – sont ceux qui en fin de session, commencent par vous dire : "Alors... c'est plus un commentaire qu'une question..." Mise à part ceux-là, tout le monde est sympa ! En cas d'erreur dans un live-coding, le public est votre meilleur outil de debugging !

Répétez énormément ces derniers, le moindre élément peut échouer. Réseau, connexion, effet démo... Le mieux est de prévoir des vidéos au cas où tout tombe à l'eau. Garder dans un coin du code à copier/coller si une étape a échoué. Si vous vous trompez par mégarde, préparez des commits Git en sauvegarde. Réduisez le nombre de lignes sur l'écran, masquez ce qui n'est pas pertinent. Apprenez par coeur vos raccourcis claviers pour que l'exercice soit fluidifié.

Plus généralement, si vous avez peur, visez des évènements de plus petite ampleur. S'entraîner dans des meetups locaux, ou dans des BBLs dans vos bureaux, vous aidera à prendre confiance pour vous lancer sur une plus grande audience. Des meetup comme CraftsRecords sont parfaits pour se lancer, pour recevoir des conseils et progresser.

J'espère que cette histoire vous a plu, c'est un nouveau format, une petite dose d'inconnu pour moi. Je prendrai avec plaisir vos retours, vos critiques acerbes et mots d'amour. Si parler en public vous attire, que vous vous retrouvez dans ma satire, n'hésitez pas à venir me parler, juste après ou dans la soirée !

Il ne me reste plus qu'un non-dit ; il tient en un mot : Merci !